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NOS MAÎTRES

forme parfaite, et par l’impossibilité de trouver, autour d’eux, le public désiré ; le Prince, créant pour lui seul, dans le superbe sentiment de sa surnaturelle différence, a pu se donner sans arrêt l’enchantement des libres visions. Il a éprouvé, de façon régulière et ininterrompue, les deux joies suprêmes du mépris et du libre rêve.

On m’a conté que M. de Villiers, jadis, et mû par le sentiment légitime de ses droits, avait sollicité quelque trône, mis en enchère par d’historiques événements. Peut-être eût-il réalisé, dans nos âges, le stupéfiant phénomène d’une royauté. Mais je crois bien que le hasard, en le condamnant à vivre parmi nous la dure vie du journaliste, lui a constitué la seule royauté qui fût digne de lui. C’est que les temps modernes n’ont plus besoin de rois : le plus noble, le plus sage, le plus désintéressé, à quoi bon ces excellences en des qualités désormais superflues ? M. le comte de Villiers, promu à une dignité pénible, se fût vite lassé de sa triste tache. Son royaume, maintenant, n’était plus de ce monde, fait pour des hommes nouveaux. Et il a eu le royaume qui seyait le mieux à son âme, le bel empire féodal, éternellement splendide, de sa princière fantaisie.