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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

petitesse. Il se sent trop au-dessus d’elles pour se commettre à les injurier ; et il les perçoit assez risibles pour n’avoir pas besoin, comme les humoristes professionnels, de les exagérer. Il se contente d’exposer les choses qu’il raille au jour des choses qu’il leur préfère. Il redit nos mesquines vanités, sans les modifier, faisant emploi seulement, pour les redire, du ton dont se disaient les nobles convictions d’autrefois. Très gravement ainsi il profère, comme il eût fait pour les démonstrations d’une théologie, les banalités et les négations qui maintenant nous sont communes. Ou bien il tire de ces théories modernes leurs conséquences logiques et il les énonce, sérieusement, avec une austérité de prophète : saisissant, par ces supérieures attaques, quelques-uns de nous, tandis que la plupart, déjà pénétrés de l’esprit nouveau au point de n’en plus voir le ridicule, déclarent incompréhensible cette raillerie d’un autre âge.

Mais la gloire de M. de Villiers, l’aspect sous lequel se réalise vraiment la grandeur aristocratique de sa nature, c’est la prestigieuse musique de ses phrases passionnées. Son ironie peut à la rigueur provenir de Poe, de Swift surtout, ou de tels satiristes anglais : son style lyrique ne saurait être comparé à nul autre. Ce n’est plus, comme dans les poèmes en prose d’Edgar Poe, une harmonie sonore, mais continue, moins adaptée aux nuances de l’émotion traduite que destinée à être un mélodrame musical accompagnant les faits. Seul Thomas de Quincey a tenté une mélodie verbale aussi variée ; il est même parvenu