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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

détails saisissants, que nous percevons sans peine, et qui nous ravissent : un trait de costume ou d’attitude, une nuance subtile du décor, toutes choses échappant aux écrivains qui travaillent d’après un plan préconçu, toutes choses nous donnant, au moins pour les accessoires du récit, une illusion vivante.

Mais les accessoires ne sont pas seuls à nous toucher, dans ces étranges récits. Un phénomène mystérieux se produit en nous, incontestable. Nous sentons notre impuissance à recréer la véritable vie que l’auteur a conçue : et nous éprouvons cependant une impression d’une intensité extrême, comme peut-être à nulle lecture de romans écrits pour notre usage immédiat.

C’est que les belles œuvres de M. de Villiers sont revêtues d’un style si prodigieux, qu’il suffit, par lui seul, à nous donner l’impression de la vie.


IV

Le style de M. de Villiers, au premier abord, semble fait de procédés invariables. De longues phrases, virgulées d’incidentes, avec des parenthèses, des explications ; une terminaison grave, un peu monotune, et qui rappelle, par l’allongement solennel des mots, les fins de périodes classiques de Bossuet ou de Chateaubriand.

Mais on aperçoit bientôt que le style de M. de Villiers varie profondément suivant qu’il sert à dire les grandes passions des légendes et les émou-