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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

l’hallucination. Il avait cherché à produire dans l’âme de ses lecteurs une impression terrible ou désolée, par certains procédés définis : une insistance régulière sur un détail qui tout à coup s’élargit, envahit l’attention ; une fabrication sagace de l’épouvante au moyen de heurts et d’intervalles dans fanalyse des idées : chaque mot, avec une destination pratique admirable, préparé en vue de l’effet total ; et comme une série de géniaux artifices où se joint encore l’artifice d’une sonorité musicale continue, toujours appropriée à l’émotion du sujet.

Tout autres apparaissent les moyens narratifs de M. de Villiers. Le souci de la composition disparaît : il faut, pour les sages plans prémidités, être de sang-froid, n’avoir point d’avance subi l’entière illusion des faits que l’on projette. Ailleurs, les plans de M. de Villiers sont tellement grandioses et inaccoutumés qu’il échoue fatalement à y conformer son œuvre. Et puis, une évidente et continuelle hallucination : M. de Villiers se confond avec ses personnages ; il vit intimement leur vie, il cesse d’être un écrivain composant des livres, pour s’éblouir lui-même des visions qu’il enfante. De là un manque fâcheux d’équilibre, dans la machination du récit ; des digressions interminables, étrangères au sujet d’abord choisi, mais où l’auteur s’enfonce et nous entraîne suivant la libre fantaisie de ses rêves. De là, et de certains défauts attenant à sa nature princière, une impuissance à nous faire revivre cette vie dont il subit lui-même une trop violente impression. Et ce sont des