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NOS MAÎTRES

semées d’interminables digressions, et telles qu’on ne sait jamais si c’est ironique ou sérieux : tandis que les jeunes littérateurs symbolistes, de leur côté, reprochent à M. de Villiers son idéal, d’un romantisme un peu fané, son penchant aux mystifications, la monotonie de ses phrases lyriques.

Toutes critiques d’une admirable justesse, malgré leur apparente diversité. Elles n’empêchent point cependant M. de Villiers d’avoir, sur les écrivains salubres et pondérés que lui préfère le public, et sur nos éminents dramaturges, et sur nos jeunes symbolistes eux-mêmes, cette supériorité positive, fâcheuse d’ailleurs pour lui : que, seul parmi eux, et seul peut-être en Europe, et probablement le dernier, le comte Villiers de l’Isle-Adam est un Prince.


I

Lorsque jadis, après l’effondrement de la société romaine, des races nouvelles advinrent à l’histoire, la vigueur physique fut le seul instrument nécessaire dans la lutte pour vivre, et les hommes les plus vigoureux s’imposèrent, par une naturelle loi, aux tribus naissantes. Ils devinrent les chefs, chargés de régir les batailles comme de répartir le butin. Ils acquirent les qualités spéciales du commandement, aussi des privilèges spéciaux que leurs fonctions appelaient. Ils s’unirent aux filles d’autres chefs ; ils léguèrent à leurs enfants, avec les qualités et les privilèges par eux acquis, un instinc-