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NOS MAÎTRES

et pouvais traduire sans embarras les passages les plus difficiles. Je devinais le sens de toutes les inversions, de toutes les parenthèses, voire même du mot ptyx


Aboli bibelot d’inanité sonore,


c’est-à-dire mot purement euphonique et dépourvu de tout sens.

Hélas ! c’est encore un métier qui, aujourd’hui, dépasserait mes forces ! Car je dois bien avouer que je ne comprends plus avec la même précision littérale ces beaux poèmes de M. Mallarmé. Non que j’aie oublié mes explications de jadis : mais je ne suis pas aussi certain de leur exactitude, et à côté d’elles j’en découvre d’autres qui me paraissent également légitimes ; et je vois de nouveau s’élever tels obstacles que je croyais avoir écartés. Je saisis pleinement la signification générale des poèmes, j’aperçois à tout instant des détails qui m’enchantent ; mais il y a maintenant des détails que je ne me chargerais plus d’expliquer.

Ainsi la poésie de M. Mallarmé m’apparaît moins clairement explicable qu’elle m’apparaissait autrefois : mais jamais, en revanche, elle ne m’était encore apparue si belle, jamais elle ne m’avait si profondément touché.

Je m’accommode mal de l’obscurité d’un moraliste ; et parmi les pièces d’Ibsen, par exemple, je ne puis décidément admirer que celles que je comprends. Mais il n’en va pas de même d’un poète. Et à mesure que je sens mieux l’obscurité des