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NOS MAÎTRES

mais n’est-ce pas justement de cette façon-là qu’il convient de se représenter un poète ?

Lui, cependant, il oppose à la gloire le même sourire doux et fier qu’il opposait jadis aux railleries : faciles, mesquines railleries, aucun artiste peut-être n’en eut davantage à subir. C’est que M. Mallarmé est un sage. Ni les railleries, ni la gloire n’atteignent jusqu’à la tour de diamant où il se tient enfermé ; et jamais la réalité des choses ne lui a paru assez réelle pour le troubler dans la contemplation de la réalité supérieure qu’il a conscience de porter en lui.

Il a voulu seulement donner à ses admirateurs une occasion de le lire. Il s’est enfin décidé à publier une édition populaire de ses poèmes en vers et en prose, restés jusqu ici épars dans de lointaines revues, ou réunis en de coûteux recueils à petit nombre. L’édition nouvelle n’est, àdire vrai, qu’une anthologie, ou, suivant la charmante expression de M. Mallarmé, un florilège ; mais les fleurs qu’on y a choisies suffisent à former un bouquet précieux et rare, et je ne me lasse pas d’en respirer le parfum. J’y ai trouvé notamment plusieurs des poèmes de la première manière de M. Mallarmé, qui, pour être clairs à souhait et d’un style tout classique, ne m’en semblent pas moins les plus nobles, passionnés et harmonieux poèmes qu’on ait écrits depuis Lamartine.

J’y ai trouvé aussi plusieurs des poèmes de la seconde manière. Ce sont ceux-là qui ont valu naguère à M. Mallarmé tant de blâmes et d’ironies, ce sont eux qui lui valent’sa renommée d’aujour-