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NOS MAÎTRES

sont-ils point, tous les êtres, des créations pareilles de nos âmes, issues des mômes lois, appelées à la vie par les mêmes motifs ?

Les jeux des nuages, les mouvements des eaux, les agitations humaines, ce sont maintes scènes variées du seul Drame éternel. Et l’art, expression de tous les symboles, doit être un drame idéal, résumant et annulant ces représentations naturelles qui ont trouvé leur pleine connaissance dans l’âme du poète. Donc, un drame. Mais à qui offert ? — À tous ! répond M. Mallarmé. La meilleure joie étant la compréhension du monde, cette joie doit être donnée à tous. L’œuvre d’art suprême sera donc un drame, et tel que tous le puissent recréer, c’est-à-dire suggéré par le Poète, non exprimé directement sous l’empreinte de son caractère individuel.

Ainsi M. Mallarmé a cherché les intimes corrélations des choses. Peut-être n’a-t-il point vu, dans sa curiosité, que le nombre des symboles était indéfini, qu’il avait en lui le pouvoir de les renouveler sans cesse, et qu’il s’épuiserait vainement à les vouloir tous saisir ?

Il a cherché encore la forme qui convenait à cette œuvre idéale. Puisque le drame poétique est aujourd’hui impossible, — car les hommes sont égarés dans les intérêts vils, et détournés de la joie artistique, — le Poète, du moins, doit écrire ce drame, faire le Livre, enfermer l’œuvre là, pour l’avenir. Mais ce Livre, cène pouvaient être les volumes que nous présentent nos libraires, tranches de journaux paginées, détruisant l’illusion par la laideur de leurs caractères. M. Mallarmé a pensé que sa forme