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M. STÉPHANE MALLARMÉ

Alors la mélodie se charge de sons plus vulgaires : c’est un désabus cruel, le retour du moine aux habituelles tristesses.

Mais le caractère excellent, en ces poèmes, est l’intime liaison logique des motifs et de leurs développements. Les vers apparaissent, quand on les relit, dans l’absolue nécessité d’être ce qu’ils sont : chacune des mélodies appelle la suivante, comme son unique conséquence possible. Un lien mystérieux et subtil tient ensemble toutes les parties. Je sais peu de poètes qui, autant que M. Mallarmé, donnent cette impression parfaite de la nécessité artistique. Il n’est point l’ouvrier un peu fat, indulgent aux belles fioritures ; mais, comme il l’a dit, « un humble, qu’une logique éternelle asservit. »

Veut-on quelques exemples de cette manière poétique ? Voici (pourquoi n’amuserais-je pas les badauds ?) le sonnet que M. Mallarmé a récemment dédié à Richard Wagner. Dans une belle étude antérieure, en prose, M. Mallarmé avait dit son jugement sur Wagner ; il l’avait montré conduit par son génie, lui musicien, à créer le drame complet et vivant, qu’aurait dû créer la littérature. Ici, M. Mallarmé composait un poème : il n’avait plus à expliquer son jugement ; mais il a voulu exprimer, en la justifiant, l’émotion que causait au poète ce musicien, envahissant la scène que les poètes avaient préparée :


Le silence déjà funèbre d’une moire
Dispose plus qu"un pli seul sur le mobilier
Que doit un tassement du principal pilier
Précipiter avec le manque de mémoire.