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un jugement plus équitable de mon travail. En effet, tout en invitant le lecteur bénévole à l’examen de mes idées, je ne puis me dissimuler que les hypothèses de cette espèce ne sont généralement pas regardées comme autre chose que des rêves philosophiques ; et je n’ignore pas ce qu’il faut de complaisance au lecteur pour se résoudre à l’étude attentive d’une histoire de la nature purement imaginaire, pour suivre patiemment l’auteur à travers tous les détours par lesquels il évite les obstacles qu’il rencontre et pour ne pas, en fin de compte, se détourner en souriant de sa propre crédulité, à la façon des spectateurs que Gellert nous peint écoutant le crieur du marché de Londres[1]. Cependant j’ose me persuader que, lorsque la lecture du Chapitre préparatoire que j’indique aura, comme je l’espère, déterminé le lecteur, sur la foi de présomptions très vraisemblables, à me suivre dans mon voyage d’aventures à travers le monde physique, il ne rencontrera pas dans le cours de son chemin autant de tortueux détours ni autant d’obstacles à sa marche, qu’il avait pu le craindre au commencement.

En fait, je me suis interdit avec la plus grande rigueur toute invention arbitraire. Après avoir décomposé le monde dans le chaos le plus simple, je n’ai fait intervenir, pour en tirer la magnifique ordonnance de la nature, que deux forces, l’attraction et la répulsion, forces également certaines, également simples et en même temps également primitives et générales. Toutes deux sont empruntées à la Philosophie naturelle de Newton. La première est une loi de la nature aujourd’hui démontrée sans conteste. La seconde, à laquelle peut-être la théorie newtonienne n’apporte pas le même degré d’évidence, je la fais intervenir dans des conditions où personne ne peut en nier l’existence, dans l’état de diffusion extrême de la matière, par exemple dans les vapeurs. Telles sont les bases très simples sur lesquelles j’ai bâti tout mon système, de la manière la moins factice, sans m’ingénier à déduire des principes d’autres conséquences que celles qui devront se présenter d’elles-mêmes à l’attention du lecteur.

Qu’on me permette, en terminant, de faire une brève déclaration touchant la valeur que j’attribue aux diverses propositions qui se

  1. Voir la fable de Gellert : Hans Nord.