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où nous étions tellement surchargés de maladies par nous-mêmes infligées. Ainsi nous secouons ces chagrins d’une façon que peut-être les sentimentalismes d’autres temps auraient trouvée méprisable et peu héroïque, mais que nous trouvons nécessaire et humaine. Si donc, d’une part, nous avons cessé d’être commerciaux dans nos affaires d’amour, nous avons cessé en même temps d’être artificiellement fous. La folie qui vient de la nature, l’imprudence de l’homme peu mûri, ou l’homme plus âgé pris dans un piège, nous devons nous arranger de tout cela, et nous n’en sommes pas autrement honteux ; mais quant à être conventionnellement sensibles ou sentimentaux,… mon ami, je suis vieux, et peut-être me trompé-je, mais enfin je crois que nous avons rejeté quelques-unes des folies de l’ancien monde.

Il s’arrêta, comme attendant quelques mots de moi ; mais je me tins coi ; alors il continua :

— Du moins, si nous soufrons de la tyrannie et de l’inconstance de la nature et de notre propre manque d’expérience, cela ne nous fait pas grimacer, ni mentir. S’il doit y avoir séparation entre ceux qui avaient pensé ne jamais se séparer, qu’ils se séparent : mais il ne doit y avoir aucun prétexte d’union, quand la réalité en a disparu ; pas plus que nous ne forçons ceux qui savent bien en être incapables à professer un sentiment éternel qu’ils ne peuvent pas véritablement éprouver : c’est ainsi que, si la monstruosité du plaisir vénal n’est plus pos-