Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bord de la route en une pile bien rangée, sous la surveillance d’un garçon de six ans ; celui-ci avait un bras jeté autour du cou d’un gros dogue, qui jouissait de sa paresse autant que si ce jour d’été eût été pour lui seul. En jetant un coup d’œil sur la pile de vêtements, je pus voir briller des broderies d’or et de soie, et j’en conclus que plusieurs de ces ouvriers avaient des goûts analogues à ceux du boueur doré de Hammersmith. À côté, il y avait un bon gros panier qui faisait penser à du pâté froid et à du vin ; une demi douzaine de jeunes femmes étaient là à regarder le travail des ouvriers, ce qui valait bien la peine d’être regardé, car ils frappaient de grands coups et étaient très habiles dans leur ouvrage, et ils étaient garçons aussi beaux et bien faits qu’il soit possible d’en voir une douzaine par un jour d’été. Ils riaient et causaient gaiement entre eux et avec les femmes, mais bientôt leur chef leva les yeux, et nous vit arrêtés devant le chemin barre. Il reposa sa pioche et éleva la voix :

— Halte, compagnons ! voilà des voisins qui veulent passer.

Là-dessus, les autres s’arrêtèrent aussi, et, se mettant de côté, aidèrent le vieux cheval en poussant nos roues sur la route à moitié défoncée, puis, comme des hommes qui ont un ouvrage agréable en train, retournèrent vivement à leur travail, ne s’arrêtant que pour nous souhaiter un bonjour souriant : en sorte que le bruit des pioches avait recommencé avant que le grison eût repris son petit trot. Dick les re-