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paraissaient pas me voir. Je me tournai vers Dick, m’attendant à ce qu’il me conduisît, et il tourna vers moi son visage ; mais, chose étrange à dire, bien que son visage fût aussi souriant et joyeux que jamais, il ne répondit pas à mon regard — il parut même ne pas faire attention le moins du monde à ma présence, et je remarquai que personne ne me regardait. Une angoisse me saisit, comme de quelque désastre longtemps attendu et subitement éprouvé. Dick s’avança un peu sans me dire un mot. J’étais à moins de trois mètres de ces deux femmes, dont je n’avais été le compagnon que bien peu de temps, et qui cependant, me semblait-il, étaient devenues mes amies. La figure de Clara était maintenant tournée vers moi, bien en face, mais elle non plus ne paraissait pas me voir, malgré, je me le rappelle, mon regard suppliant qui cherchait le sien. Je me tournai vers Ellen, et elle parut me reconnaître un moment ; son resplendissant visage s’assombrit aussitôt, elle secoua la tête avec un regard navré, et l’instant d’après toute conscience de ma présence s’était dissipée sur sa figure.

Je me sentis seul et dénué au-delà de ce que les mots peuvent dire. J’hésitai encore à peu près une minute, puis je m’en allai, je quittai le porche, et par l’avenue de tilleuls je gagnai la route, tandis que les merles autour de moi sifflaient à qui mieux mieux dans les buissons par cette chaude soirée de juin.

Une fois encore, sans aucun effort conscient de volonté, je regardai du côté de la vieille