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et qu’une décoration plus brillante et plus remarquable aurait mal remplacées.

Pendant que nous étions assis là, je posai quelques questions au hasard à Ellen, mais j’écoutai à peine ses réponses, et bientôt je me tus et devins presque inconscient de toute chose, sauf que j’étais là, dans cette antique chambre, les pigeons roucoulant sur les toits de la grange et du pigeonnier que je voyais par la fenêtre en face de moi.

La pensée me revint au bout d’une minute ou deux, je crois, mais, comme dans un rêve éveillé, il me sembla que cela avait duré longtemps, lorsque je vis Ellen assise, qui paraissait plus pleine de vie, de joie et de désir, par le contraste avec la tapisserie grise, pâlie, au dessin banal, supportable aujourd’hui seulement parce qu’il était devenu si faible, si fané.

Elle me regarda doucement ; mais, comme si elle lisait en moi à livre ouvert, elle dit :

— Vous avez repris votre éternelle comparaison entre le passé et le présent, n’est-ce pas ?

— C’est vrai, dis-je. Je pensais à ce que vous, avec votre capacité et votre intelligence, avec votre amour du plaisir et votre impatience de toute contrainte inutile,… à ce que vous auriez été dans le passé. Et maintenant encore, alors que tout est bien et l’a été depuis longtemps, cela me fait mal au cœur de penser à tout ce qui a été gaspillé de vie pendant tant d’années !

— Tant de siècles, tant d’âges !

— C’est vrai, trop vrai ; et je me tus de nouveau.