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trop heureux dans la compagnie de cette délicieuse fille, et j’étais disposé à m’exagérer peut-être la valeur de ses confidences.

Elle rit, mais me regarda avec une grande bonté.

— Eh bien, en attendant, nous laisserons cela ; car il faut que je voie ce nouveau pays que nous traversons. Voyez comme la rivière a encore changé de caractère : elle est large maintenant, les tournants éloignés, et le courant faible. Et voyez, voici un bac !

Je lui en dis le nom, en ralentissant pour faire passer la chaîne du bac au-dessus de nos têtes ; et nous continuâmes le long d’un îlot couvert de chênes à notre gauche, puis le fleuve, plus profond, se rétrécit encore, et la barque s’engagea entre des murs de hauts roseaux, où les moineaux et les fauvettes s’agitaient délicieusement, gazouillaient et s’ébattaient, tandis que le remous des barques soulevait les roseaux au-dessus de l’eau, par le chaud matin tranquille.

Elle sourit de plaisir, et la jouissance paresseuse du paysage nouveau fit ressortir encore sa beauté, lorsqu’elle s’enfonça dans les coussins, mais sans la moindre langueur ; sa paresse était celle d’une personne vigoureuse de corps et d’esprit, qui se repose volontairement.

— Voyez ! dit-elle, sautant tout à coup sans aucun effort visible, et se balançant avec une grâce et une aisance exquises ; regardez le beau vieux pont en avant !

— Je n’ai guère besoin de le regarder, dis-je, sans détourner les yeux de sa beauté. Je sais