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que vous vous êtes tellement brouillé la tête avec les mathématiques, et en fouillant ces vieux livres stupides sur l’économie politique (hé, hé !) que vous savez à peine vous conduire. Vraiment, il est temps que vous vous mettiez à quelque travail de plein air, pour que vous vous débarrassiez de toutes les toiles d’araignée de votre cerveau.

Le tisserand ne fit que rire avec bonne humeur ; la jolie fille alla à lui, lui donna plusieurs tapes sur la joue, et dit en riant :

— Pauvre garçon ! Il est né comme ça.

Pour moi, j’étais un peu embarrassé, mais je riais aussi, un peu par entraînement, et un peu de plaisir, à voir leur insouciant bonheur et leur bon caractère ; et avant que Robert pût m’adresser les excuses qu’il était en train de préparer, je dis :

— Mais, voisins (j’avais ramassé ce mot), je ne fais pas la moindre difficulté de répondre à des questions, quand je le peux : posez-m’en tant que vous voudrez ; c’est un plaisir pour moi. Je vous raconterai tout sur la forêt d’Epping lorsque j’étais enfant, si vous voulez ; et quant à mon âge, je ne suis pas une jolie femme, eh bien, pourquoi ne vous le dirais-je pas ? j’ai tout près de cinquante-six ans.

Malgré la récente conférence sur les bonnes manières, le tisserand ne put s’empêcher de faire un long « uit » d’étonnement, et les autres s’amusaient tellement de sa naïveté, que la gaieté voltigeait sur leurs figures, bien qu’ils s’interdissent de rire en ce moment ; je les