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qui tenait devant elle une sœur de trois ans ; enfin, une autre fillette, plus âgée que le garçon d’à peu près un an. Tous trois étaient occupés tantôt à manger des cerises, tantôt à tapoter et à bourrer le grison, qui prenait fort bien toutes leurs caresses, mais dressa les oreilles lorsque Dick parut. Les fillettes, quittant le cheval, vinrent au-devant de Clara, lui firent fête et se serrèrent contre elle. Puis nous montâmes en voiture, Dick secoua les rênes et nous partîmes aussitôt au trot modéré du grison, entre les arbres gracieux des rues de Londres qui répandaient des ondes de parfums dans l’air frais du soir, car le soleil approchait de son coucher.

Nous ne pouvions guère aller que fort doucement tout le long du chemin, tant il y avait de monde dehors à cette heure fraîche. En voyant tant de gens, je remarquai mieux comment ils étaient ; et je dois dire que mon goût, cultivé dans la grisaille sombre, ou plutôt le noir du dix-neuvième siècle, était assez porté à condamner la gaieté claire et brillante des vêtements, et je me risquai même à le dire à Clara. Elle parut assez étonnée, et même un peu choquée, et dit :

— Eh bien ! eh bien ! qu’est-ce que cela fait ? Leur travail n’est pas salissant ; ils s’amusent simplement par cette belle soirée ; il n’y a rien qui puisse abîmer leurs costumes. Voyons, est-ce que tout cela n’est pas très joli ? Ce n’est pas un jour de fête, vous savez.

C’était vrai, car beaucoup étaient vêtus de couleurs peu voyantes, quoique belles, et l’har-