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Mais cela aussi, avec la croyance assurée dans le ciel et l’enfer, comme en deux pays où l’on vit, a disparu, et nous croyons maintenant, en actes et en paroles, à la continuité de la vie du monde des hommes, et nous ajoutons, pour ainsi dire, chaque jour de cette vie générale à la petite provision de jours donnés à notre propre expérience individuelle : et, par conséquent, nous sommes heureux. Est-ce que cela vous étonne ? Aux temps passés, on disait bien que les hommes aimaient leur race, croyaient à la religion de l’humanité, et ainsi de suite. Mais voyez-vous, dans la mesure même où un homme avait l’esprit assez élevé et pur pour pouvoir apprécier cette idée, il était rebuté par l’aspect visible des individus qui composaient la masse à laquelle il aurait voué un culte ; et il ne pouvait éviter ce sentiment de répulsion qu’en concevant par abstraction une humanité conventionnelle qui n’avait que peu de rapports présents ou passés avec la race ; celle-ci, en effet, lui apparaissait partagée en tyrans aveugles, d’une part, et en apathiques esclaves avilis, de l’autre. Mais aujourd’hui, quelle difficulté y a-t-il à accepter la religion de l’humanité, lorsque les hommes et les femmes qui constituent l’humanité sont libres, heureux, au moins énergiques, et presque toujours beaux de corps et entourés de belles choses qu’ils ont faites eux-mêmes et d’une nature embellie et non abîmée par le contact avec les hommes ? Voilà ce qui, en cet âge du monde, nous a été réservé.

— Cela paraît vrai, dis-je, ou devrait l’être si