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avidement ; mais à ce moment, la plus sérieuse de leurs informations était déjà rance, et l’on n’avait pas besoin d’apprendre que LA GRÈVE GÉNÉRALE avait commencé. Les chemins de fer ne marchaient pas, les fils télégraphiques n’étaient pas desservis ; la viande, le poisson, les légumes amenés aux marchés pouvaient bien rester là, emballés et pourrissants ; les milliers d’hommes des classes moyennes, qui dépendaient absolument des travailleurs pour leur prochain repas, firent des efforts frénétiques grâce aux plus énergiques d’entre eux, afin de pourvoir aux besoins de la journée, et parmi ceux qui purent bannir la crainte de ce qui allait venir, il y avait, dit-on, une certaine gaieté dans ce pique-nique imprévu, — présage des temps à venir, où tout travail est devenu agréable.

Ainsi se passa le premier jour et, vers le soir, le gouvernement était éperdu. Il n’avait qu’une ressource pour abattre tout mouvement populaire, la pure force brutale ; or, il n’y avait rien contre quoi il pût se servir de l’armée et de la police : aucun groupe en armes n’apparaissait dans les rues ; les bureaux des Travailleurs-Unis étaient maintenant, au moins en apparence, devenus des lieux de distribution de secours pour le peuple en chômage, et, dans ces conditions, l’on n’osa pas arrêter les hommes ainsi occupés, d’autant moins que, le soir même, beaucoup de gens fort respectables se rendirent à ces bureaux pour avoir des secours, et durent avaler la charité des révolu-