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coup plus désespéré que n’avait été le précédent esclavage de classe.

— Qu’est-ce qui a empêché cela ?

— Mais, bien entendu, précisément cet instinct vers la liberté dont j’ai parlé. Il est vrai que la classe des esclaves ne pouvait concevoir le bonheur d’une vie libre. Pourtant ils parvinrent à comprendre (et même très vite) qu’ils étaient opprimés par leurs maîtres et ils prétendirent, vous voyez combien justement, qu’ils pouvaient se passer d’eux, quoique peut-être ils sussent à peine comment ; on aboutit à ceci : s’ils ne pouvaient apercevoir dans l’avenir le bonheur et la paix de l’homme libre, du moins ils apercevaient la guerre, dont un vague espoir leur disait que sortirait cette paix.

— Pourriez-vous plutôt me raconter plus expressément ce qui arriva alors ? dis-je, car je le trouvais un peu vague en ce moment.

— Oui, je le peux. Le mécanisme social à l’usage des gens qui ne savaient pas ce qu’ils voulaient, et qui était connu en ce temps-là sous le nom de socialisme d’État, fut en partie établi, mais de façon très fragmentaire. Cela n’alla pas sans à-coups ; on rencontrait naturellement, à chaque pas, la résistance des capitalistes, et ce n’est pas étonnant, puisqu’on tendait de plus en plus à renverser le système commercial dont je vous ai parlé, sans rien mettre à la place de réellement efficace. Le résultat fut une confusion croissante, une grande souffrance parmi les classes ouvrières, et, par suite, un grand mécontentement. Longtemps les choses conti-