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ration vers la liberté et l’égalité, de même nature, si vous voulez, que la passion irraisonnée de l’amant ; une nausée qui faisait rejeter avec horreur la vie solitaire, sans but, de l’homme bien posé, bien élevé de cette époque : ce sont là des phrases, mon cher, qui pour nous, hommes d’aujourd’hui, ont perdu leur sens, tellement nous sommes loin de l’affreux état qu’elles représentent.

Eh bien, ces hommes si conscients de ce sentiment n’avaient pourtant pas foi en lui, comme moyen de produire le changement. Et il n’y avait à cela rien d’extraordinaire : car, en regardant autour d’eux, ils voyaient la masse immense des classes opprimées, trop courbées sous la misère de leur vie et trop enfouies dans l’égoïsme de la misère pour être capables de concevoir une autre issue que la voie ordinaire imposée par le système d’esclavage sous lequel on vivait : rien de mieux qu’une chance éloignée de grimper de la classe opprimée dans la classe opprimante.

Aussi, tout en sachant que le seul but raisonnable pour ceux qui voudraient améliorer le monde était de réaliser une condition d’égalité, pourtant, dans leur impatience désespérée, ils en arrivèrent à se convaincre que s’ils pouvaient, par n’importe quel moyen, modifier assez profondément le mécanisme de la production et le régime de la propriété pour que les « classes inférieures » (telle était l’horrible expression) vissent leur esclavage un peu allégé, elles seraient prêtes à s’adapter à ce mécanisme