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quée, sentiment qui grandit et qui s’est développé depuis une vingtaine d’années.

— Mais croyez-vous qu’il y ait à craindre une disette de travail parmi vous ?

— Non, je ne crois pas, et je vous dirai pourquoi ; c’est le penchant de chacun de rendre son propre ouvrage de plus en plus agréable, ce qui a pour résultat d’élever l’idéal de perfection (car personne n’aime produire un ouvrage qui ne soit pas à son honneur) et de provoquer une plus mûre réflexion avant la production ; et il y a un nombre si considérable de choses qui peuvent être traitées comme des œuvres d’art, que cela seul donne du travail à une foule de gens adroits. Et puis, si l’art est inépuisable, la science l’est aussi ; et bien qu’elle ne soit plus la seule occupation innocente à laquelle un homme intelligent puisse passer son temps, comme on le croyait autrefois, il y a pourtant — et je pense qu’il y aura toujours — beaucoup de gens qu’excite la lutte contre ses difficultés, et qui la préfèrent à tout. Et puis, à mesure que le travail impliquera de plus en plus de plaisir, je pense que nous reprendrons des genres d’ouvrage produisant des objets désirables, mais que nous avons abandonnés faute d’avoir su les conduire agréablement. Au surplus, je crois que c’est seulement dans certaines parties de l’Europe, plus avancées que le reste du monde, que vous entendrez parler de cette crainte d’une disette de travail. Les pays qui ont été autrefois les colonies de la Grande-Bretagne, par exemple,