Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— H’m, voyons, je n’en suis pas si sûr.

— Je vous prends, voisin ; ils affectaient seulement cette grave différence d’opinion ; car, si elle avait existé, ils n’auraient pas pu traiter ensemble dans le commerce ordinaire de la vie ; ils n’auraient pas pu manger ensemble, acheter et vendre entre eux, jouer ensemble, tromper ensemble les autres, mais ils auraient dû se battre toutes les fois qu’ils se rencontraient, ce qui n’aurait pas du tout fait leur affaire. Le jeu des maîtres de la politique était, par flatterie ou par force, de faire payer au public la dépense d’une vie luxueuse et de plaisirs excitants pour quelques cliques d’individus ambitieux, et l’affectation de différences graves d’opinion, démentie par tous les actes de leur vie, suffisait parfaitement pour cela. Qu’a tout cela à faire avec nous ?

— Bon, rien, je l’espère. Mais j’ai peur… Bref, j’ai entendu dire que la lutte politique était un résultat nécessaire de la nature humaine.

— La nature humaine ! s’écria le vieux gars impétueusement ; quelle nature humaine ? La nature humaine des indigents, des esclaves, des maîtres d’esclaves, ou la nature humaine d’hommes libres, prospères ? Laquelle ? Voyons, dites !

— Eh bien, je pense qu’il y aurait une différence, selon les circonstances, dans la manière dont les gens traiteraient ces questions.

— Je le croirais volontiers. En tout cas, l’expérience montre qu’il en est ainsi. Parmi