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et c’est bien ce monde de la campagne, vivifié par la pensée et l’esprit alerte des gens élevés dans les villes, qui a produit cette vie heureuse, pleine de loisir, active pourtant, dont vous avez eu une première idée. Je le répète, bien des fautes ont été commises, mais nous avons eu le temps de les réparer. Beaucoup est resté à faire pour les hommes du temps de ma jeunesse. Les idées confuses de la première moitié du vingtième siècle, à l’époque où les hommes étaient encore courbés sous la crainte de la pauvreté, et ne faisaient pas assez attention au plaisir présent de la simple vie journalière, détruisaient en grande partie ce que l’époque commerciale nous avait laissé de beauté extérieure : et je reconnais que les hommes ne se sont relevés que lentement des torts qu’ils se sont faits à eux-mêmes, même après qu’ils furent devenus libres. Si lentement que soit venu le relèvement, il est du moins venu ; et plus vous nous verrez, plus clairement vous apparaîtra que nous sommes heureux, que nous vivons parmi la beauté, sans aucune crainte de devenir efféminés ; que nous avons beaucoup à faire, et, en somme, avons plaisir à le faire. Que pouvons-nous demander de plus à la vie ?

Il s’arrêta, comme cherchant les mots pour exprimer sa pensée. Puis il dit :

— Tel est notre état. L’Angleterre a été autrefois un pays d’éclaircies parmi les bois et les déserts, avec un petit nombre de villes disséminées, qui étaient des forteresses pour l’armée féodale, des marchés pour le peuple, des cen-