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— Pas un pouce ; mais quelque souvenir en est demeuré, et j’en suis heureux. Une fois par an, au premier mai, nous tenons une fête solennelle dans ces communes de l’est de Londres, pour célébrer le « Défrichement de la Misère », comme on l’appelle. Ce jour-là, nous avons musique et danse, et des jeux joyeux, et un heureux festin sur l’emplacement de l’un des pires vieux bouges, dont nous ayons conservé le traditionnel souvenir. À cette occasion, l’usage est que les plus jolies filles chantent plusieurs des vieux chants révolutionnaires, et ceux qui étaient les gémissements des mécontents, jadis si désespérés, sur les lieux mêmes où ces terribles crimes de meurtre de classe étaient journellement commis il y a tant d’années. Pour un homme comme moi, qui ai si assidûment étudié le passé, c’est un spectacle curieux et touchant : sur quelque tertre — où était autrefois le plus misérable semblant de maison, une tanière dans laquelle hommes et femmes entassés parmi les ordures comme sardines en baril, vivaient une telle vie qu’ils ne pouvaient l’endurer, comme je le disais tout à l’heure, que parce qu’ils étaient avilis au dessous de l’humanité, — l’on voit une belle jeune femme, délicieusement vêtue et couronnée de fleurs des prairies voisines, debout au milieu du peuple heureux d’entendre des paroles terribles de menace et de lamentation sortir de ses belles lèvres douces ; elle est inconsciente de leur vraie signification : on l’entend, par exemple, chanter la chanson de la Chemise, de Hood, et