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SALOMÉ

La tête d’Iokanaan.

HÉRODE

Non, non, vous ne voulez pas cela. Vous me dites cela seulement pour me faire de la peine, parce que je vous ai regardée pendant toute la soirée. Eh ! bien, oui. Je vous ai regardée pendant toute la soirée. Votre beauté m’a troublé. Votre beauté m’a terriblement troublé, et je vous ai trop regardée. Mais je ne le ferai plus. Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne nous montrent que des masques… Oh ! oh ! du vin ! j’ai soif… Salomé, Salomé, soyons amis. Enfin, voyez… Qu’est-ce que je voulais dire ? Qu’est-ce que c’était ? Ah ! je m’en souviens !… Salomé ! Non, venez plus près de moi. J’ai peur que vous ne m’entendiez pas… Salomé, vous connaissez mes paons blancs, mes beaux paons blancs, qui se promènent dans le jardin entre les myrtes et les grands cyprès. Leurs becs sont dorés, et les grains qu’ils mangent sont dorés aussi, et leurs pieds sont teints de pourpre. La pluie vient quand ils crient, et quand ils se pavanent la lune se montre au ciel. Ils vont deux à deux entre les cyprès et les myrtes noirs et chacun a son esclave pour le soigner. Quel-