Page:Wilde - Salomé, Librairie de l'art indépendant, 1893.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Salomé, il faut être raisonnable, n’est-ce pas ? N’est-ce pas qu’il faut être raisonnable ? Je n’ai jamais été dur envers vous. Je vous ai toujours aimée… Peut-être, je vous ai trop aimée. Ainsi, ne me demandez pas cela. C’est horrible, c’est épouvantable de me demander cela. Au fond, je ne crois pas que vous soyez sérieuse. La tête d’un homme décapitée, c’est une chose laide, n’est-ce pas ? Ce n’est pas une chose qu’une vierge doive regarder. Quel plaisir cela pourrait-il vous donner ? Aucun. Non, non, vous ne voulez pas cela… Écoutez-moi un instant. J’ai une émeraude, une grande émeraude ronde que le favori de César m’a envoyée. Si vous regardiez à travers cette émeraude vous pourriez voir des choses qui se passent à une distance immense. César lui-même en porte une tout à fait pareille quand il va au cirque. Mais la mienne est plus grande. Je sais bien qu’elle est plus grande. C’est la plus grande émeraude du monde. N’est-ce pas que vous voulez cela ? Demandez-moi cela et je vous le donnerai.

SALOMÉ

Je demande la tête d’Iokanaan.

HÉRODE

Vous ne m’écoutez pas, vous ne m’écoutez pas. Enfin, laissez-moi parler, Salomé.