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Dans un merveilleux récit des derniers jours du grand comte d’Essex, son chapelain Thomas Knell nous dit que, la nuit qui précéda sa mort, le comte

appela William Hewes qui était son musicien pour jouer sur le virginal et chanter. « — Joue, lui dit-il, mon chant, Will Hewes, et je chanterai moi-même. » Ainsi fit-il très gaîment, non comme le cygne plaintif qui encore dédaigneux pleure sa mort, mais comme une douce alouette qui levant ses ailes et jetant ses yeux vers Dieu, monte vers les nues cristallines et atteint de sa langue intarissable les sommets des cieux altiers.

Sûrement le garçon, qui joua sur le virginal, aux dernières heures de la vie du père de Stella Sydney, n’était autre que le Will Hewes, à qui Shakespeare dédia les Sonnets et dont il nous dit qu’il était une douce musique pour un auditeur.

Pourtant, lord Essex mourut en 1576 quand Shakespeare lui-même n’avait que douze ans : il était donc impossible que son musicien fût le monsieur W. H. des Sonnets.