Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LE FANTÔME DE CANTERVILLE

— Cela signifie que vous devez pleurer avec moi sur mes péchés, parce que moi je n’ai pas de larmes, que vous devez prier avec moi pour mon âme, parce que je n’ai point de foi, et alors si vous avez toujours été douce, bonne et tendre, l’Ange de la Mort prendra pitié de moi. Vous verrez des êtres terribles dans les ténèbres, et des voix funestes murmureront à vos oreilles, mais ils ne pourront vous faire aucun mal, car contre la pureté d’une jeune enfant les puissances de l’Enfer ne sauraient prévaloir.

Virginia ne répondit pas, et le Fantôme se tordit les mains dans la violence de son désespoir, tout en regardant la tête blonde qui se penchait.

Soudain elle se redressa, très pâle, une lueur étrange dans les yeux.

— Je n’ai pas peur, dit-elle d’une voix ferme, et je demanderai à l’Ange d’avoir pitié de vous.

Il se leva de son siège, en poussant un faible cri de joie, prit la tête blonde entre ses mains avec une grâce qui rappelait le temps jadis, et la baisa.