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d’Ireland[1] et de Chatterton[2] et qu’en ce qui concerne ce dernier, j’insistai sur ce point que ses prétendus faux étaient simplement le résultat d’un désir artistique de parfaite ressemblance, que nous n’avons nul droit de marchander à un artiste les conditions dans lesquelles il veut présenter son œuvre et que tout art étant à un certain degré une sorte de jeu, une tentative de réaliser sa propre personnalité sur quelque plan imaginatif en dehors de la portée des accidents et des limites de la vie réelle ; — censurer un artiste pour un pastiche, c’était confondre un problème de morale et un problème d’esthétique.

Erskine, qui était de beaucoup mon aîné et qui m’avait écouté avec la politesse amusée d’un homme qui a atteint la quarantaine, appuya soudain sa main sur mon épaule et me dit :

  1. Ireland (William Henry, 1777-1835) prétendit avoir trouvé des manuscrits inédits de Shakespeare qu’il publia à partir de 1795. Il finit par avouer son invention. (Note du traducteur.)
  2. Chatterton (Thomas, 1752-1770) mit au jour des poèmes qu’il attribuait à Rowley et qui soulevèrent d’interminables polémiques. (Note du traducteur.)