Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
LE FANTÔME DE CANTERVILLE

Alors si vous vous conduisez bien, personne ne vous tourmentera.

— C’est absurde de me demander que je me conduise bien, répondit-il en regardant d’un air stupéfait la petite fillette qui s’était enhardie à lui adresser la parole. C’est tout à fait absurde. Il faut que je secoue mes chaînes, que je grogne par les trous de serrures, que je déambule la nuit, si c’est là ce que vous entendez par se mal conduire. C’est ma seule raison d’être.

— Ce n’est pas du tout une raison d’être, et vous avez été bien méchant, savez-vous ? Mrs Umney nous a dit, le jour même de notre arrivée, que vous avez tué votre femme.

— Oui, j’en conviens, répondit étourdiment le fantôme. Mais c’était une affaire de famille, et cela ne regardait personne.

— C’est bien mal de tuer n’importe qui, dit Virginia, qui avait parfois un joli petit air de gravité puritaine, légué par quelque ancêtre venu de la Nouvelle-Angleterre.

— Oh ! je ne puis souffrir la sévérité à bon compte de la morale abstraite. Ma femme