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ÂME BLANCHE

sommaire. On me plaça au beau milieu de cette espèce de grenier, tous les enfants en cercle autour de moi, Et, sous le chaud soleil qui tombait du toit vitré, ces petites têtes candides émergeant de costumes funèbres, avaient une grâce triste, attendrissante. Les cloches de l’église tintaient solennellement, tout près. Il y avait même des moments où leurs vibrations étaient assez fortes pour nous faire craindre que le clocher de la tour neuve ne tombât parmi nous. On m’avait piqué une fleur en papier rose dans les cheveux, près de l’oreille ; une de mes nattes revenait devant, sur le corsage décolleté. C’était la pose. Nul ne bougeait.

Alors, un trouble extraordinaire m’envahit : j’eus l’impression que mon cerveau se vidait, j’éprouvai je ne sais quelle béatitude surhumaine il me sembla que je devenais un pur esprit, que je touchais le ciel du doigt. Mon être s’était métamorphosé, décidément, au profit d’une autre : J’étais Henriette et, pour un rien, je me serais envolée vers les éternités bleues, dans la douce lumière de ce matin de printemps.

La première épreuve tirée de ce portrait avait réussi. On me remena chez nous toute froide et blanche, le front moite, les dents claquant. Dès qu’on m’eût laissée seule, j’éclatai en sanglots, je pleurai mon rêve.