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ÂME BLANCHE

logis lugubre d’une famille qui venait de perdre l’un des siens.

Du temps s’écoula et ma lâcheté s’accrut : je me creusais la tête à chercher qui pouvait bien être mort chez nos voisins ; je les plaignais tous sincèrement, j’aurais voulu leur dire mon inquiétude à leur sujet, mon affiliction de les savoir dans la peine. Je ne le fis pas.

Assurément, le système nerveux s’était développé d’une manière anormale en mon frêle organisme et la sensibilité y avait pris une acuité exceptionnelle, devenue, en quelque sorte, maladive.

Un peu plus tard, en pleines vacances de Pâques, Mme Erlanger sonnait à la maison et, rien qu’à la manière dont elle m’embrassa, je devinai que c’était Henriette qui était morte. La pauvre créature entreprenait vis-à-vis de moi la plus étrange démarche que jamais la perte de son enfant ait suggérée à une mère au désespoir : Henriette était morte en province, à la pension ; les Erlanger ne possédaient aucun portrait d’elle, et ils avaient réfléchi qu’un portrait de moi pourrait bien leur remplacer celui de leur petite fille ; il suffisait que ces dames Veydt consentissent à me laisser, à cette fin, poser chez un photographe.

Ce fut chose entendue tout de suite. Le caprice, pour extravagant qu’il parût, était si respectable que personne, rue Marcq, ne pouvat