Page:Wiele - Ame blanche.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
ÂME BLANCHE

coup, irrésistiblement. Réunies, nous n’éprouvions, elle et moi, d’autre plaisir que celui de rechercher, par voie de comparaison, les preuves de cette étonnante ressemblance qu’on disait exister entre nous. Une fois la fillette chez elle, j’y allais moins : je me sentais inutile dans cet intérieur. Henriette me gênait.

Or, peu après ma première communion, que je fis sous la direction de M. l’aumônier, en l’église du Béguinage, dans la plus grande ferveur, comme je m’en allais seule à mon école, par un matin d’avril, je vis la boutique des merciers close du haut en bas, les stores baissés, à l’étage, les volets mis aux vitrines et, sur un morceau de carton bordé de noir que quatre clous retenaient à la porte d’entrée, cette annonce laconique, tracée d’une main hâtive :

FERMÉ POUR CAUSE DE DÉCÈS.

J’eus comme un éblouissement et mon cœur se serra. — Qui donc était mort chez les voisins ? L’idée énigmatique et déconcertante de la mort m’épouvantait à cette époque ; le mot seul me faisait frissonner et, pendant des années, on évita de le prononcer en ma présence. Aussi, quand je rentrai rue Marcq ce soir-là, personne ne parla du malheur qui frappait les Erlanger, et mon effroi de ce que j’aurais pu apprendre était tel que je n’osais pas même formuler la question qui me brûlait les lèvres. Le jour suivant, je fis un détour, plutôt que de revoir ce