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ÂME BLANCHE

excessive sollicitude et il se pourrait bien que j’eusse été pour M. Veydt, en ces occasions, simplement, une partie du décor servant à établir et à consacrer son caractère essentiellement patriarcal.

Naturellement, je ne vis bien toutes ces physionomies, tous ces objets que plus tard, beaucoup plus tard. Dans le moment, j’avais l’insuffisante intelligence d’une fillette plus disposée à sentir qu’à observer. Toutefois, j’ai la conscience qu’on me traitait rue Marcq en personne majeure, responsable de ses actes, non en petit enfant, et que cela me vieillissait un peu. Je le répète, il me serait impossible de formuler rien de cohérent ni de suivi au sujet de mes premiers temps de séjour dans cette maison. Des bribes de souvenirs sont épars dans ma tête, des tableaux incertains, sans contours ou à contours très vagues, fuyants comme ces formes changeantes dessinées par les nuages dans un ciel brouillé…

Et je me revois, un matin d’hiver, frissonnante sur le parquet verni de notre chambre à coucher, devant l’eau gelée de l’aiguière, tandis que Melle Josine casse fort tranquillement les glaçons pour verser, ensuite, cette eau dans la cuvette et m’en laver le visage, le cou, les épaules. Ma tante n’a pas l’air de se douter du froid, ni que je grelotte, elle n’entend pas mes