Page:Wiele - Ame blanche.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
ÂME BLANCHE

Avec moi, il fut toujours parfaitement indifférent, bien que son sourire, quand nous étions réunis, exprimât l’affection chaude et émue, l’extase des vrais grands-pères. Parfois, le dimanche, il me conduisait promener et les gens s’attendrissaient à voir la façon si doucement protectrice dont il me tenait par la main et m’aidait à éviter les légers écueils de la route. Ces promenades, au cours desquelles M. Veydt recueillait, avec sa bonhomie souriante, d’incroyables compliments, les actions de grâces d’une foule d’inconnus, hypnotisés par sa carrure sympathique, étaient, pour lui, vraiment triomphales, Il y exhibait des toilettes qui, combinées ou non, étaient d’un effet irrésistible : c’étaient, l’été, une redingote de fin drap gris, d’un gris délicat, rosé, bénévole ; l’hiver, une pelisse garnie de martre, d’un aspect débonnaire, en même temps que confortable et, en toute saison, des chapeaux, soit de paille, soit de feutre mais également vastes, ronds, souples, d’une rondeur amère, d’une souplesse pleine d’urbanité, à grands rebords un peu fantaisistes, mais pourvus de candeur plutôt que d’audace :

— Comme ce noble monsieur doit gâter sa petite fille ! remarquaient les simples que nous croisions.

Cependant, il ne s’inquiétait de moi, durant ces promenades, que tout juste autant que c’était nécessaire pour produire l’apparence d’une