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ÂME BLANCHE

de choses étrangères, un peu antipathiques, et je me disais :

— Le fond, certes, est toujours le même : excellent, loyal et généreux, mais l’extérieur est autre, il est bien différent du Jacques de la rue Marcq…

Et, en vérité, il n’avait pas changé : il avait seulement beaucoup grandi ; mais l’un de nous deux était changé, et c’était moi, que la vie dans un milieu mondain, parmi des personnes superficielles, avait faite de sincérité moins absolue, d’impressions moins naïves et moins fraîches.


Jacques Holstein accepta de partager notre déjeûner, sans façons ; et, le café bu, comme l’après-midi commençait à peine et que ma tante avait décidé de ne point sortir ce jour-là, il fit tant d’instances pour m’entendre jouer du piano que j’y consentis.

Je jouai longtemps, sans remuer la vis de mon tabouret, sans regarder Jacques et quand, enfin, je me levai pour regagner ma place, je vis qu’il avait les yeux pleins de larmes. Il ne m’offrit point le bras pour me ramener auprès de Mme Lorentz, comme l’eût fait certainement n’importe lequel des jeunes gens de nos relations ; il n’avait pas même songé à tourner les feuillets de ma musique pendant que je jouais… ; mentalement, je le comparais à ces messieurs, jolis