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ÂME BLANCHE

que ma présence très fréquente en son établissement était devenue nécessaire ; du reste, l’heure était propice à mes absences d’Anvers : ma tante Hélène commençait à se lasser du joujou que j’avais été d’abord pour elle. Dans sa vie de mondaine folle de luxe, de représentation, de plaisir, la triste fillette que j’étais allait devenir encombrante, et Mme Lorentz ne voyait pas mes fugues d’un mauvais œil. Pourvu que les apparences fussent sauves et les bienséances respectées, que Véronique m’accompagnât toujours, que je prisse régulièrement mes leçons avec les maîtres de son choix et qui étaient, d’ailleurs, excellents, elle se déclarait satisfaite et était persuadée d’avoir rempli vis-à-vis de moi tous ses devoirs.

Ainsi, peu à peu, jour par jour, minute par minute, dirais-je, j’avais conquis l’âme de Mme Veydt jeune. Pour moi, et pour moi seule, elle consentait à sourire, à prononcer quelques paroles. Même, ces paroles s’enchaînèrent bientôt…, ce furent enfin des phrases liées et complètes et nous en arrivâmes à avoir ensemble des espèces de conversations. Elle prévoyait exactement, grâce à son intuition de névrosée, le moment de ma venue auprès d’elle ; elle me cueillit une fois, d’avance, tout ce qu’elle put atteindre de graminées au jardin et en fit une gerbe avec laquelle elle m’attendit impatiemment, pour me l’offrir aussitôt qu’elle me vit