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ÂME BLANCHE

Ma tante, en contemplant toutes ces choses léguées à ses parents par un lointain passé et qui devaient posséder pour elle l’inestimable valeur du souvenir, avait, parfois, un regard attendri, qu’elle cherchait à me dissimuler, que je faisais semblant de ne point voir, mais qui me navrait. Et, peu à peu, par le spectacle de cette douleur que même les objets matériels, le milieu ambiant contribuaient à aviver, j’en arrivais à pénétrer jusqu’au fond la raison de l’invincible, de l’anormale tristesse de mes années d’enfance : ce dont j’avais souffert le plus ardemment en ce logis aujourd’hui condamné à la dispersion, c’était de n’y être point chez moi, de m’y sentir étrangère et seule. Les événements récents donnaient à cette impression un peu plus d’acuité, voilà tout ; mais je n’en comprenais que mieux ce qu’elle devait faire de ravages en l’âme de Mlle Veydt, pour qui elle était nouvelle à un âge où les impressions sont bien plus fortes et plus tyranniques.


Ma tante, en effet, souffrait affreusement ; jamais elle ne se plaignit, toutefois ; jamais un mot ne sortit de ses lèvres qui pût ressembler à un aveu de souffrance. Elle allait à son devoir, tout droit, sans récriminations contre le sort ni contre ceux qui le lui avaient fait si pitoyable.