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ÂME BLANCHE

sauter de joie frénétiquement. J’ai encore, dans le fond de mon passé d’enfance, cette vision de Mme Veydt en grande toilette, décolletée, avec des perles au cou, me souriant, en entrant, pour me dire adieu, dans la salle où une bonne s’occupait à me distraire, à l’aide de vieilles cartes à jouer dont elle faisait des châteaux. Si je m’absorbe dans la contemplation rétrospective de cette heure à jamais enfuie, j’entends le roulement de la voiture qui, bientôt après, emporta ma mère à quelque fête, et je m’entends, moi, pleurant et me désespérant parce qu’elle ne m’avait pas emmenée.

J’en pourrais citer d’autres, beaucoup d’autres…, mais ces heures-là n’ont pas conservé dans le kaléidoscope de mon cerveau la sûreté parfaite, la décision ni la rigueur de dessin que m’a imposées celle où, si petite et marchant à peine, je m’évanouis pour avoir écouté trop de musique et repris enfin mes sens dans les bras de ma mère.

La couleur qu’avait la lumière ce jour-là : un jour d’automne frais et déjà assombri par le crépuscule tombant…, les objets autour de nous, le coin de rue qu’on apercevait par la baie de la fenêtre, tout m’est présent comme à la minute même.

Dans un vase en barbotine — que j’ai encore, du reste — je revois un bouquet de chrysanthèmes dont quelques-uns, flétris, se sont