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ÂME BLANCHE

notre séparation : elle était aussi entière et devait être aussi éternelle que si Mme Veydt fût morte.

— C’est fini ; je n’ai plus de mère, songeais-je. En même temps, une idée corollaire s’insinuait en mon esprit : je n’ai plus de mère, non ! mais j’ai une enfant. Cette innocente qui ne voit pas mes mains tendues vers elle, qui n’entend pas ma voix l’appelant avec désespoir, et qui veut ma poupée, qui s’en empare, qui s’en amusera, n’est-elle pas une enfant, plus faible, plus désarmée, certes, que les tout petits ? Et, de l’avoir vue si paisible, restée si douce, me faisait aspirer au jour où, maîtresse de mes actions, je pourrais, vraiment, jouer un rôle maternel auprès de l’infortunée et la prendre auprès de moi, et la soigner moi-même, moi seule, comme des étrangers la soignaient dans cette maison d’où, maintenant, venaient des cris et d’étranges rires révélateurs de sa destination, de la folie du plus grand nombre de ses habitants.

Après cela, rien de ce qui fait l’insouciance heureuse des enfants ne devait plus exister en moi ; une pensée grave et haute s’était emparée de mon esprit : elle allait s’y établir pour jamais et ce n’étaient, certes, pas des larmes de petite fille, celles qui, une à une, glissèrent lourdement sur le corsage de ma robe quand Véronica et moi nous quittâmes ce jardin, suivies de M. Oppelt.