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CHAPITRE III

peur : malgré les imperfections de cette machine on s’en servit en substituant l’air comprimé à la vapeur, et pendant les expériences, M. Sommeiller qui était déjà parvenu à comprimer l’air inventa la belle machine perforatrice qui remplaça immédiatement celle de M. Bartlett.

« Dès lors le problème de la traversée des Alpes parut résolu. »

Il ne nous appartient pas de raconter ici l’histoire déjà faite et bien faite du tunnel des Alpes[1]. Voté le 15 août 1857, commencé le 31 août de la même année par le Piémont seul, auquel la France s’associa le 7 mai 1862, cet important travail a été terminé en 13 années ; la rencontre des deux galeries se fit le 26 décembre 1870, aux cris de vive l’Italie ! vive la France ! en plein schiste calcaire à 5153 mètres 30 centimètres de Modane et à 7080 mètres 25 centimètres de Bardonnèche.

Par la convention internationale du 7 mai 1862, la France prenait à sa charge 19 millions, mais payables seulement dans le cas où les travaux seraient achevés dans le délai de vingt-cinq ans à partir du 1er janvier 1862. Une prime de 500 000 francs était promise pour chaque année gagnée sur les vingt-cinq ans de délai, et cette somme augmentée de 100 000 francs pour chaque année gagnée sur quinze ans.

Le travail ayant été terminé en huit ans à partir de 1862, l’apport financier de la France dans l’entreprise se cotera en définitive par une somme d’environ 28 millions. Les dépenses totales ne sont pas évaluées à moins de 75 millions.

« Le tunnel des Alpes, ajoute M. Henri de Parville, a été percé tout entier à coups de poudre. Le retentissement mérité qu’a eu la perforatrice Bartlett et Sommeiller a fait supposer à beaucoup de personnes que l’on avait broyé la roche mécaniquement. Il n’en est rien. Tout le travail s’est exécuté à la pince, comme par les méthodes de perforation ordinaire, avec cette différence essentielle, il est vrai, qui à elle seule constitue une révolution

  1. Voir dans l’Année géographique 1871-1872 de M. Vivien de Saint-Martin, un excellent article emprunté à M. Henri de Parville.