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ESCALADES DANS LES ALPES.

vir de la corde sur des pentes semblables ; on se sent plus confiant lorsqu’on est attaché à ses compagnons et le pied n’en est que plus ferme. Quant à savoir si l’on a tort ou raison de se placer dans de pareilles situations, c’est une autre question. Est-on capable de se tenir solidement sur un escalier taillé dans une pente de glace, on ne doit pas s’abstenir de le monter ou de le descendre ; en est-on incapable, il ne faut pas entreprendre les courses qui le rendent nécessaire.

Inutile d’en dire plus long sur ce sujet. Un seul jour passé dans les montagnes fera mieux comprendre la valeur d’une bonne corde, et les nombreux usages auxquels elle peut servir que tout ce qui a été écrit sur cette matière ; toutefois, pour savoir en tirer parti, une longue expérience est indispensable.

Du col d’Ollen nous gagnâmes, par la Combe du même nom, les chalets de Prarayen, où nous passâmes la nuit du 6 sous le toit de notre vieille connaissance le riche berger. Le 7, nous traversâmes le col de Va Cornère pour nous rendre au Breuil. Toutes mes pensées étaient tendues vers le Cervin, et mes guides n’ignoraient pas combien je désirais qu’ils m’accompagnassent dans cette expédition. Mais cette montagne leur inspirait une profonde aversion ; ils m’exprimèrent à plusieurs reprises leur conviction que toute nouvelle tentative d’ascension échouerait à coup sûr. « Tout ce que vous voudrez, excepté le Cervin ! cher monsieur, disait Almer ; j’irai n’importe où, excepté au Cervin ! » Il ne s’inquiétait ni de la difficulté, ni du danger, et ne redoutait certes aucune fatigue. Il m’offrait d’aller n’importe où ; mais

    par conséquent pas besoin d’être attaché. Aussi, place-t-on d’ordinaire à l’arrière-garde le guide le plus fort et le plus habile. Il n’est pas moins évident, d’un autre côté, que la corde est une précaution parfaitement inutile, s’il est vrai qu’un faux pas puisse entraîner la perte de toute une expédition. Selon moi, la meilleure méthode est celle que nous avons suivie pour descendre du col Dolent ; elle consiste à ne laisser avancer qu’un seul individu à la fois, jusqu’à ce qu’il ait atteint un endroit sûr. Alors il se détache, la corde est retirée et chacun le rejoint à son tour. Le dernier, qui occupe la position la plus difficile, doit être le plus sûr de lui ; il n’est pas exposé à être entraîné par une glissade de ses camarades, et ceux-ci retirent la corde à mesure qu’il descend ; de cette façon, sa situation est moins périlleuse que s’il ne devait compter que sur lui-même.