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CHAPITRE XIII.

cution comprenait l’ascension de presque tous les grands pics qu’aucun montagnard n’avait encore pu escalader ; il ne fut toutefois ni entrepris légèrement ni exécuté avec précipitation. Aucune précaution ne fut négligée pour en assurer le succès. Je mis à contribution tous les touristes qui pouvaient me fournir quelques renseignements ; j’étudiai avec soin les expéditions qui n’avaient pas réussi, afin d’éviter les fautes qu’elles avaient pu commettre. Les résultats que j’obtins furent dus à une sage prévoyance et des calculs soigneusement médités, bien plus encore qu’a un hasard heureux.

La victoire n’est pas, en général, une chance favorable, et il y a toujours une bonne raison pour expliquer une défaite. Quand un fait remarquable ou extraordinaire se produit, nous sommes trop disposés à ne considérer que le succès sans en rechercher les causes. Au contraire, une entreprise ne réussit-elle pas, nous nous demandons de suite pourquoi elle a échoué. Ainsi, les défaites sont quelquefois plus instructives que les victoires, et les fautes des uns profitent aux autres.

Mon programme s’exécuta complétement et heureusement jusqu’à un certain point. Nos efforts furent couronnés de succès toutes les fois que nos excursions se firent telles qu’elles avaient été réglées. Beaucoup eurent lieu au jour et à l’heure fixés depuis plusieurs mois ; et toutes s’accomplirent par comparaison si facilement que l’absence de tout danger et de toute difficulté leur ôte l’intérêt qu’elles auraient pu offrir si nous avions commis quelques grosses bévues ou manqué de jugement. Peut-être, avant d’en faire le récit, ne serait-il pas inutile d’exposer les raisons qui nous avaient décidés dans le choix des routes que nous suivîmes.

Mes anciennes idées sur les escalades des Alpes avaient subi dans les cinq dernières saisons un changement complet ; mon antipathie pour la neige avait disparu et ma prédilection pour les rochers était fort diminuée. Comme tous ceux qui ne sont pas nés dans les montagnes, j’étais à mes débuts fort mal à l’aise sur les pentes de neige un peu raides. Dans mon opinion, la neige devait toujours glisser et entraîner tous ceux qu’elle