Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/295

Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
CHAPITRE XII.

larges plaques, comme la résine sur le tronc des vieux pins. Quelquefois, en voulant l’ôter, ils ont enlevé de grands lambeaux de leur peau ; alors leur cas est devenu désespéré ! En vain ont-ils appelé à leur secours canifs et ciseaux ; en vain se sont-ils efforcés le plus délicatement possible d’étendre sur leurs joues une teinte uniforme. Soins superflus ! Égarés par leur folle ambition, ils ont continué leur traitement jusqu’à ce qu’ils aient réduit leur malheureux visage à l’état de ruine complète. Regardez ces lèvres gercées, ces joues gonflées, ces yeux injectés de sang, et ce nez, ce nez tout pelé qui défie toute description !

Tels sont les plaisirs du montagnard. Les nouveaux arrivés comparent avec un mépris moqueur ces figures bizarres à la peau délicate de leur visage rosé et de leurs mains blanches ; ils ne se doutent guère qu’eux aussi seront peut-être bientôt classés parmi ceux qu’ils tournent en ridicule[1].

Je quittai cette agréable compagnie pour aller chercher mes lettres à la poste. Hélas ! elles contenaient des nouvelles désastreuses ! On me rappelait brusquement à Londres. Reilly allait arriver pour donner un nouvel assaut au Cervin ; je l’attendis pour lui dire que tous nos plans étaient bouleversés, puis, partant en toute hâte, je me rendis en, Angleterre aussi vite que me le permirent les trains express.

  1. J’ai saisi cette occasion pour présenter au lecteur quelques-uns des principaux amateurs de courses de montagnes à notre époque, ainsi que plusieurs des guides qui ont été ou qui seront mentionnés dans ce livre.

    Pierre Perrn est placé à l’extrême droite. Vient ensuite le jeune Pierre Taugwalder (sur le banc)  ; J. J. Maquignaz s’appuie contre la porte. Franz Andermatt est assis sur les marches, et, dans le fond, se dresse la haute stature d’Ulrich Lauener.