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CHAPITRE XI.

nel de la ternir ; c’était une Jungfrau en miniature, un sommet joujou, qu’on pouvait couvrir avec la paume de la main[1].

Mais en revanche, rien n’était petit dans la vue que l’on découvrait du Mont-Dolent.

[Situé à la jonction de trois arêtes, il se dresse, comme un véritable belvédère, au-dessus de tout ce qui l’entoure à une certaine distance ; et certaines brèches semblent ouvertes tout exprès dans les chaînes voisines, pour étendre dans presque toutes les directions les limites de l’horizon. Je ne puis comparer les précipices qui descendent vers le glacier d’Argentière qu’à ceux de la Jungfrau. Les arêtes situées des deux côtés de ce glacier et, en particulier, les rochers abrupts des Droites et des Courtes, dominés par le pic pointu et couvert de neige de l’Aiguille Verte, offrent presque le même aspect que les Grandes Jorasses. La tour massive de l’Aiguille de Triolet et les Jorasses, plus éloignées, encadrent le paysage alpestre le plus splendide et le plus gracieux tout à la fois que j’aie jamais contemplé ; c’est le massif tout entier du Mont-Blanc, dressant sa haute cime glacée bien au-dessus des nombreux contre-forts qui soutiennent les Monts-Maudits, supporté, à gauche, par le Mont-Peuteret et par les Aiguilles dentelées qui dominent la Brenva. Cet aspect du Mont-Blanc n’a rien de nouveau ; mais, de ce point, sa pose incomparable lui donne toute la supériorité d’un tableau composé par un maître… Cette vue, aussi étendue que celle dont on jouit au sommet du Mont-Blanc, est bien plus belle[2].]

Nous descendîmes à Cormayeur, que nous quittâmes dans l’après-midi du 10 juillet pour aller camper sur le Mont-Suc, dans l’intention de faire l’ascension de l’Aiguille de Trélatête. Nous espérions que les nuages qui l’enveloppaient ne tarderaient pas à se dissiper. Il n’en fut rien ; aussi déposâmes-nous, outre nos personnes, une énorme charge de paille sur la moraine du glacier de Miage, où nous nous installâmes, au-dessus du lac

  1. L’ascension du Mont-Dolent et le retour à Pré-de-Bar (y compris les haltes) nous prirent moins de onze heures.
  2. Les paragraphes de ce chapitre imprimés entre ces deux signes [ ], sont extraits des notes de M. Reilly.