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CHAPITRE IX.

même le seul bon moment de l’année. La grande pente dont l’escalade nous avait pris tant de temps eût été très-dangereuse si elle n’eût pas été dénudée par l’avalanche dont j’ai parlé : couverte de neige, nous n’eussions pu la gravir sans nous exposer au plus grand péril ; notre expédition eût été un désastre au lieu d’un succès. La glace de cette pente reste toujours sous la neige, son angle est très-aigu, et les rochers ne se projettent pas assez loin pour donner à la neige le soutien qui lui est nécessaire quand son inclinaison est aussi forte. Je ne voudrais donc inspirer à personne le désir de recommencer cette expédition, et même ajouterai-je, comme l’expression de ma conviction : quelque malheureux, quelque désolé qu’un individu ait pu être jusqu’alors, il le sera cent fois plus s’il se trouve au sommet de la Pointe des Écrins, quand une neige fraîche vient d’y tomber[1].

  1. Depuis 1864, l’ascension de la Pointe des Écrins a été faite une fois par un Français du nom de Vincent, accompagné des guides Jean Carrier et Alexandre Tournier. Ils suivirent la même route que nous, mais à rebours, c’est-à-dire ils montèrent par l’arête occidentale et descendirent par l’arête orientale.

    Les touristes qui voudraient faire l’ascension de la Pointe des Écrins devront se munir d’une échelle ou employer tout autre moyen pour traverser la bergschrund au milieu, immédiatement au-dessous du sommet. Ils pourraient alors monter en droite ligne, évitant ainsi la fatigue et les difficultés qu’il faut surmonter quand on suit les arêtes.