Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
ESCALADES DANS LES ALPES.

à une distance de 4494 mètres ; par conséquent, une ligne tirée de la Grave au sommet de la Meije ne forme pas une pente plus raide que la ligne de points tirée de A à C, fig. 1 ; en d’autres termes, si l’on pouvait se rendre en ligne directe de la Grave au sommet de la Meije, la montée aurait une inclinaison de moins de 30°. En se plaçant au sommet de l’Aiguille de la Sausse, neuf personnes sur dix estimeraient probablement cet angle double de ce qu’il est en réalité[1].

La Brèche est à 609 mètres au-dessous du sommet de la Meije, et à 1828 mètres seulement au-dessus de la Grave. En conséquence, si l’on pouvait monter en ligne droite du village à la Brèche, la pente ne dépasserait guère 20°. Mais, étant donnée l’impossibilité de monter comme les oiseaux volent, il faut bien suivre une route moins directe et beaucoup plus longue. Le chemin que nous avions pris avait probablement deux fois la longueur d’une ligne droite tirée entre les deux points opposés. En doublant la longueur des angles on diminue leur inclinaison de moitié. Ce raisonnement fort simple aboutit à cette conclusion singulière : dans ce passage, un des plus raides des Alpes, la moyenne de tous les angles ne dépasse pas 11 ou 12°. Je dis la moyenne, car, dans certains passages, les angles étaient beaucoup plus inclinés s’ils l’étaient moins dans d’autres.

Tranquillement assis au sommet de la Brèche, nous ne nous inquiétions guère de tous ces beaux raisonnements. Notre journée nous semblait terminée, car MM. Mathews et Bonney nous avaient affirmé que le versant opposé de la montagne n’offrait aucune difficulté ; aussi nous abandonnions-nous tout à loisir

  1. La figure 2 représente de la même manière la distance et la hauteur du Cervin par rapport à Zermatt.