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CHAPITRE VIII.

pendant plus de cent mètres, et finit par s’arrêter dans les rochers situés au bas de la pente. Nous fûmes bientôt rassurés sur son compte, car il nous pria ironiquement de ne pas le faire attendre trop longtemps.

Nous suivîmes donc le chemin qu’il nous avait ouvert et qui est tracé sur la gravure ci-jointe par une ligne de points (en faisant des zigzags pour éviter les petits îlots rocheux qui émergeaient hors de la neige et par lesquels Walker avait été à demi renversé) ; mais, pour plus de sûreté, nous nous laissâmes glisser assis et nous rejoignîmes, sans accident, notre ami. Alors, nous tournâmes de suite à gauche pour suivre l’arête d’une vieille moraine très-élevée. Les boues de cette moraine étaient extrêmement dures, car nous étions obligés d’y tailler des pas avec nos haches à glace quand nous rencontrions de grands blocs erratiques perchés sur leur crête.

Guidés par des mugissements éloignés, nous eûmes promptement découvert les chalets les plus élevés de la vallée, nommés les chalets de Rieublanc. Trois vieilles femmes les habitaient ; elles semblaient appartenir à quelque chaînon transitoire que les naturalistes cherchent à retrouver, car elles étaient dépourvues de toute idée qui ne concernât pas les vaches, et elles parlaient un patois barbare presque inintelligible pour le Savoyard Croz. Elles refusèrent obstinément de croire que nous avions passé entre les Aiguilles.

« C’est impossible, les vaches n’y vont jamais.

— Pouvons-nous arriver à la Grave en passant par-dessus l’arête qui est là-bas ?

— Oh oui ! les vaches l’ont souvent traversée.

— Pourriez-vous nous montrer le chemin ?

— Non ; mais vous pourriez suivre les traces laissées par les vaches. »

Nous nous reposâmes un moment près de ces chalets, pour examiner les flancs occidentaux des Aiguilles d’Arve, et, d’un avis unanime, celle du centre fut déclaré aussi inaccessible de ce côté que par l’est, le nord ou le sud, le lendemain, nous