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CHAPITRE VI.

teur ou pour la plus ou moins grande facilité de son accès, mais simplement pour l’immense et splendide panorama dont on jouit sur son sommet. Sa situation est superbe, et la liste des pics que l’on y découvre comprend presque l’ensemble des principales montagnes des groupes des Alpes Cottiennes, Dauphinoises, Grecques, Pennines et Oberlandaises.

Cette vue réunit au plus haut degré de perfection les éléments pittoresques qui manquent le plus souvent aux vues purement panoramiques de sommités plus élevées. Elle se divise en trois parties principales, dont chacune offre un point central ou dominant, vers lequel le regard se trouve naturellement attiré. Toutes trois forment en outre un tableau magnifique, différant absolument des deux autres. Au sud s’étend, adoucie par les vapeurs de la vallée d’Aoste, la longue ligne des Alpes Grecques, dont les cimes s’étagent jusqu’à plus de 3650 mètres d’altitude. Malgré le bel aspect de plusieurs d’entre elles, le regard, les dépassant, va s’arrêter sur le Viso, situé bien au delà à l’arrière-plan. À l’ouest et vers le nord, la chaîne du Mont-Blanc et quelques-unes des plus hautes cimes des Alpes Pennines centrales (y compris le Grand Combin et la Dent Blanche) forment le fond du tableau, mais elles sont surpassées par les chaînes plus grandioses encore que domine le Cervin. À l’est et au nord, ni les belles pentes gazonnées qui conduisent doucement jusqu’au Val d’Ayas, ni les glaciers et les champs de neige qui les surmontent, ni l’Oberland lointain n’attirent longtemps l’attention, quand, juste en face, à quelques kilomètres en avant, mais semblant être à la portée de la main, se dressent, sur l’azur si pur du ciel, les crêtes étincelantes du Mont-Rose.

Que ceux qui regrettent de ne pouvoir escalader les cimes les plus élevées des Alpes se consolent en apprenant qu’elles n’offrent pas généralement les vues qui laissent dans la mémoire l’impression la plus forte et la plus durable. Assurément quelques-uns des panoramas que l’on découvre du sommet des pics les plus hauts sont merveilleux ; mais ils ne sauraient présenter ces points isolés et centraux qui ont une si grande valeur au